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Monique Mathieu, gardienne du temple « NOUS AVONS DÉMONTRÉ QUE NOTRE TERROIR MARQUAIT NOTRE VIANDE »

Pendant dix ans, Monique Mathieu a piloté la démarche de caractérisation de la viande « Boeuf de Charolles ». Un préalable à l'obtention de l'AOC décrochée en juillet dernier.

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Entre 2000 et 2009, des éleveurs charolais de Saône-et-Loire ont appris à goûter leur viande comme on déguste un vin. Sept cents tests de dégustation ont été réalisés à l'aveugle dans le cadre d'une démarche scientifique bien balisée. « Pour décrocher l'AOC, il fallait prouver que la viande produite dans le berceau de la race, et selon le cahier des charges “Boeuf de Charolles”, était différente des autres viandes charolaises, explique Monique Mathieu, responsable de la commission caractérisation du Syndicat de défense de la viande Boeuf de Charolles. Il fallait également démontrer en quoi elle était spécifique. Une gageure tant la race charolaise exportée dans le monde entier était sortie depuis longtemps de son terroir d'origine. Autour de nous, personne n'y croyait. »

CHANTIER COLOSSAL.

Sans craindre d'aller à contre-courant, mais persuadée qu'il fallait préserver un produit unique élevé et engraissé surtout à l'herbe, Monique Mathieu a ouvert avec son équipe un chantier colossal. « Alors que nous savions que le terroir marquait le lait, les fromages et le vin, aucune démarche de grande envergure n'avait été faite sur la viande de boeuf », explique l'agricultrice très attachée à son terroir charolais. Il faut dire que le produit est particulièrement complexe, chaque morceau ayant des caractéristiques particulières.

Pour les dégustations, deux types de viande ont été retenus : le plat de côtes et le bouillon pour les morceaux à bouillir, la tende de tranche pour les pièces à griller. La constitution d'échantillons homogènes, à partir de viande issue de bêtes de catégories, d'âges et de conformations équivalents, a requis un travail énorme.

TOUT UN ART.

Issue d'une famille d'éleveurs sélectionneurs de Champlecy, Monique Mathieu était bien placée pour mener ce travail. « Mon père avait une vacherie exceptionnelle. Très tôt, j'ai été baignée dans la culture du “grain de viande” ». Après avoir montré que le boeuf de Charolles était perçu à l'aveugle différemment des viandes d'animaux charolais hors zone, le jury composé d'une douzaine de dégustateurs s'est attelé à une tâche plus difficile : expliquer à l'aide d'une vingtaine de descripteurs de la couleur, de la texture, des saveurs et des arômes, les particularités de cette viande. « Nous avons appris à sentir si la viande avait le goût du beurre fondu ou du végétal. » Tout un art qui a permis non seulement de décrocher l'AOC, mais de mieux connaître leur produit et de mieux le défendre.

Une mission à laquelle Monique est très sensible. Responsable de l'Ambassade du charolais en Saône-et- Loire, et membre du jury culinaire du Festival du boeuf de Charolles, l'éleveuse à la retraite ne manque pas une occasion de promouvoir la richesse de son terroir.

ANNE BRÉHIER

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